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"À nos corps excisés"
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Halimata Fofana, 38 ans, est une femme libre, énergique, au regard assuré. Elle travaille comme éducatrice à la Protection judiciaire de la jeunesse d’Evry, où elle prépare la comparution de mineurs devant la justice. En 2015, elle a publié un roman, Mariama l’écorchée vive, dans lequel elle brise le tabou de l’excision, dont elle a été victime à 5 ans lors d’un voyage familial au Sénégal. Si ce livre lui a permis de franchir un cap dans l’appréhension de ce traumatisme, elle ressent toujours le besoin d’en parler, notamment avec ses parents qui lui opposent le silence depuis les faits.
Entre deux mondes
Si l’excision est aujourd’hui sévèrement punie au Sénégal, le pays d’origine de la famille d’Halimata, sa pratique est loin d’avoir disparu. À travers des conversations enregistrées, la jeune femme tente d’arracher à sa mère des mots sur ce qui s’est passé, au prix d’une terrible violence à son encontre : cette tradition qui lui a causé un sentiment indélébile de dépossession. Après avoir rompu le silence avec un livre, c’est à travers le dialogue qu’elle cherche désormais à se reconstruire. De la région parisienne au Québec, où elle a vécu quelques années, en passant par le Sénégal, où elle n’était pas retournée depuis longtemps, Halimata débat avec ses proches, frère, cousines et amis. "J’avance entre deux mondes au prix d’une solitude que j’ai apprivoisée", résume cette battante qui, derrière ses dehors de femme forte et indépendante, cherche encore douloureusement réparation. Au-delà du scandale de l’excision qu’elle dénonce, son combat touche à la question de l’éducation, à laquelle elle est chaque jour confrontée dans le cadre du tribunal où elle travaille. Femme en mouvement, passionnée de littérature, admiratrice de Leopold Sedar Senghor autant que de Céline Dion, Halimata se raconte, entre coups de gueule et espoirs, dans un autoportrait introspectif formidablement vivant.